La chronique de Laura - Dark Waters, de Todd Haynes - Rencontre avec Todd Haynes

La chronique de Laura - Dark Waters, de Todd Haynes - Rencontre avec Todd Haynes

Tout commence dans des eaux sombres, où des adolescents viennent se baigner une nuit, riant et chahutant. Mais un danger rôde, invisible. Non, ce n’est pas le début des Dents de la Mer, mais bien de Dark Waters de Todd Haynes, que j’ai eu le plaisir de rencontrer pour échanger sur ce dernier film engagé.

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Le film est né de la publication de l’article « L’avocat devenu le pire cauchemar de Dupont » de Nathaniel Rich dans le New York Times Magazine le 6 janvier 2016, et de la volonté de Mark Ruffalo d’attirer l’attention du public sur les problématiques environnementales et de santé liées à l’eau. L’acteur a ainsi prêté ses traits à l’avocat Rob Bilott, qui a mené un combat laborieux pendant près de quinze ans contre le géant de l’industrie chimique Dupont, responsable de la contamination des eaux de toute une région de Virginie Occidentale, puis finalement de la planète entière. Todd Haynes nous montre un homme qui use de tous les moyens en son pouvoir pour rétablir la justice, un héros comme l’Amérique les aime : un David contre Goliath qui sacrifie son temps, sa vie de famille et sa santé pour servir une cause plus grande que lui. Il est évident à l’écran que l’acteur et l’avocat ont passé beaucoup de temps ensemble en préparation du film, tant l’interprétation de Mark Ruffalo est touchante de vérité et de profondeur. Autour de lui excellent également Anne Hathaway et Tim Robbins, saisissants. Todd Haynes nous dit avoir voulu faire ce film en hommage aux grands films de dénonciation, et cite plusieurs fois Les Hommes du Président : leur force n’est pas d’apprendre au public ce qu’il sait déjà, mais de raconter un processus dans une atmosphère anxiogène, tel un véritable thriller. Cela se traduit par une image sombre aux teints bleu-gris, et une esthétique qu’il qualifie de « contaminée, polluée ». Le réalisateur ajoute : « il n’y a pas de requin. Le requin, c’est l’eau, et le danger, ce sont nos actions. »
Avec Dark Waters, Todd Haynes et son producteur Participant dénoncent les pratiques des grands groupes de l’industrie chimique et incitent le gouvernement et les individus à agir. Il n’y a pas de volonté de romancer le propos : la victoire finale n’est pas triomphale ni absolue, mais donne la sensation d’un chemin encore long à parcourir, que les institutions américaines entament timidement avec des projets de lois récents. En ces temps de crise écologique majeure et multiple, Dark Waters s’impose donc comme un film incontournable, et rappelle qu’ « à la base de tout mouvement de justice sociale, il y a un individu », et surtout que le combat continue.

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