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Tchéky Karyo est mort : adieu au mentor de Nikita et à une gueule du cinéma Français


31 octobre 2025

Il avait ce regard, à la fois doux et inquiétant, qui rendait chaque scène inoubliable. Tchéky Karyo s’est éteint à 72 ans, emporté par un cancer. L’acteur franco-turc, inclassable et toujours intense, laisse derrière lui une filmographie aussi éclectique que culte.

Né le 4 octobre 1953 à Istanbul, Baruh Djaki Karyo — de son vrai nom — était un patchwork culturel à lui tout seul : père turc, mère grecque, racines juives séfarades. C’est en 1982 que le cinéma le repère dans Toute une nuit de Chantal Akerman. La même année, il décroche une nomination au César du Meilleur espoir masculin pour La Balance.

C’est pourtant avec L’Ours de Jean-Jacques Annaud (1988) que son visage s’imprime dans la mémoire collective. Il y joue un chasseur ambigu, d’une rare intensité silencieuse. Un rôle de brute sensible, qu’il déclinera tout au long de sa carrière. En 1990, Luc Besson l’impose dans Nikita : Tchéky Karyo y incarne Bob, le mentor froid mais paternaliste de la tueuse jouée par Anne Parillaud. Une performance culte, taillée pour la réplique qui claque et l’élégance fatale — comme un écho masculin à Léon dans un autre Besson.

Mais ce n’est pas tout. Le gars Karyo, lunettes fumées et diction traînante, débarque ensuite à Hollywood : 1492 : Christophe Colomb (Ridley Scott, 1992) avec Gérard Depardieu, puis GoldenEye (1995) et Bad Boys avec Will Smith. Oui, ce Français-là a partagé l’affiche avec James Bond ET les flics les plus cool de Miami. Rien que ça.

Et puis il y avait le Tchéky Karyo facétieux : celui qui, à contre-emploi, se glissait dans Kaamelott d’Alexandre Astier, l’air de rien, pour jouer Manius Macrinus Firmus. Un moment culte pour toute une génération qui l’a découvert dans les interstices du mythe arthurien revisité,  "Quand j'ai été affecté ici, j'ai cru que c'était une punition. Puis on m'a expliqué que c'était un honneur. J'prends toujours tout de travers" Lacrimosa (Livre VI).

Ces dernières années, il avait tourné dans des rôles plus sombres, plus ancrés dans une réalité brute : patriarche cassé dans La Résistance de l’air (2015), caïd fatigué dans De guerre lasse. À chaque fois, il imposait cette même densité, cette gravité discrète qui faisait toute la différence. Pas besoin d’en faire des tonnes pour emporter une scène.

Petit secret cinéphile : Tchéky Karyo n’a jamais cessé de faire de la musique. Son premier album solo, Ce lien qui nous unit, est sorti en 2006. Bluesy, engagé, un peu mélancolique… comme ses personnages. Comme lui.

"Il faut être un monstre pour jouer les monstres", disait-il un jour en interview. Il ne l’était pas. 

Dans un passage de Nikita il dit calmement à Anne Parillaud : "On t’a appris à survivre. Apprends à vivre maintenant." Il ne pouvait pas mieux résumer son cinéma : intense, cruel, mais profondément humain.