15 juin 2025
Célébration artistique et cris du cœur, le Festival d’Annecy 2025 a sacré "Arco" de Ugo Bienvenu tout en laissant la parole à des cinéastes bouleversés par les conflits au Moyen-Orient. Un palmarès éclatant, un festival intense, et une cérémonie empreinte de gravité.
Le Festival international du film d’animation d’Annecy s’est achevé ce samedi sur une note contrastée. Si l’euphorie des récompenses a marqué la soirée, l’atmosphère était teintée d’une profonde émotion, notamment en raison des conflits en cours au Moyen-Orient. L’Iranienne Sepideh Farsi, jurée longs métrages, a bouleversé la salle en évoquant la mémoire de Fatma Hassouna, tuée à Gaza, et en appelant à « devenir meilleurs que nous-mêmes » pour œuvrer au changement.
Côté palmarès, c’est Arco, première réalisation d’Ugo Bienvenu, co-écrite avec Félix de Givry et produite par Natalie Portman, qui a décroché le Cristal du long métrage. Ce récit futuriste d’un garçon propulsé en 2075, animé avec grâce en 2D, mêle science-fiction, écologie et amitié avec une poésie visuelle remarquable. Arco se distingue par sa sensibilité écologique et son message d’espoir rare dans le genre. Une première œuvre prometteuse, déjà porteuse de grandes ambitions.
Le jury a également salué ChaO, œuvre fantasque de Yasuhiro Aoki produite par le studio japonais Studio 4°C, où une sirène propose le mariage à un employé solitaire dans un Tokyo sous-marin.
Dans la section Contrechamp, dédiée aux visions alternatives, c’est la fantaisie sociale canadienne Endless Cookie des frères Scriver qui s’est imposée, face au coréen Gwang-jang (The Square) de Bo-Sol Kim, lauréat du prix du jury.
Les courts métrages n’étaient pas en reste avec Les Bottes de la nuit de Pierre-Luc Granjon, qui a remporté trois prix dont le prestigieux Cristal. Quant à Michael Granberry, son poignant Les Bêtes, en stop-motion noir et blanc, a soulevé les applaudissements pour son message d’espoir.
La production télévisée Christo le Barbare Civilisé s’est démarquée, tout comme la série allemande Lena’s Farm ou le spécial de Noël de David Lowery, An Almost Christmas Story. Côté réalité virtuelle, Fragile Home de Ondřej Moravec et Victoria Lopukhina a raflé deux prix.
Palmarès complet du Festival d’Annecy 2025
Longs métrages
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Cristal du long métrage : Arco, produit par Remembers, MountainA et France 3 Cinéma, réalisé par Ugo Bienvenu
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Prix du jury : ChaO, produit par Studio 4°C, réalisé par Yasuhiro Aoki
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Grand prix Contrechamp : Endless Cookie, produit par Scythia Films, réalisé par Seth Scriver et Pete Scriver
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Prix du jury Contrechamp : Gwang-jang (The Square), produit par KAFA, réalisé par Bo-Sol Kim
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Prix Fondation Gan à la Diffusion : Olivia et le Tremblement de terre invisible, produit par Citoplasmas Stopmotion, Cornelius Films et Bígaro Films, réalisé par Irene Iborra Rizo
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Prix du public : Amélie et la Métaphysique des tubes, produit par Ikki Films et Maybe Movies, réalisé par Maïlys Vallade & Liane-Cho Han
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Prix Paul Grimault : Planètes, réalisé par Momoko Seto
Films TV & œuvres de commande
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Cristal production TV : Christo le Barbare Civilisé – Partie de chasse, produit par One Pixel Brush, réalisé par Shaddy Safadi
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Cristal film de commande : Ye Kou Si Kuo, produit par Naive New Beaters & Star Feminine Band, réalisé par Lola Lefèvre
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Prix série TV (jury) : Lena’s Farm – Volles Nest, réalisé par Elena Walf
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Prix spécial TV : An Almost Christmas Story, produit par Disney+, réalisé par David Lowery
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Prix film de commande (jury) : Desi Oon, réalisé par Suresh Eriyat
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Prix du public TV : Flippé – Décision majeure, produit par Autour de Minuit, FKLG & Panique!, réalisé par Théo Grosjean & Mothy Richard
Films de fin d’études
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Cristal : Zootrope, réalisé par Léna Martinez (ENSAD)
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Prix du jury : Entre les jours, réalisé par Martin Bonnin (La Poudrière)
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Prix Lotte Reiniger : Q, réalisé par Masataka Kihara (Tama Art University)
Court-métrages
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Cristal : Les Bottes de la nuit, produit par Am Stram Gram, réalisé par Pierre-Luc Granjon
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Prix du jury : Les Bêtes, réalisé par Michael Granberry
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Prix du public : Les Bottes de la nuit
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Prix Off-Limits : Rakugaki, réalisé par Ryo Orikasa
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Prix Jean-Luc Xiberras : Zwermen, réalisé par Janneke Swinkels & Tim Frijsinger
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Prix Alexeïf–Parker : Sappho, réalisé par Rosana Urbes
Réalité virtuelle
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Cristal VR : Fragile Home, produit par Brainz Immersive, réalisé par Ondřej Moravec & Victoria Lopukhina
Prix spéciaux
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At Night, réalisé par Pooya Afzali
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Dollhouse Elephant, musique de Sebastian Hilli
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Arco, musique d’Arnaud Toulon
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La mort n’existe pas, musique de Jean L’Appeau
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Forevergreen, réalisé par Nathan Engelhardt & Jeremy Spears
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Le Grand Party annuel des créatures de la Lune, réalisé par Francis Desharnais
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Won’t Be Here, réalisé par Jiali Tan & Haoyuan Zhu (CUC)
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Ibuka, Justice, réalisé par Justice Rutikara
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Psychonauts, Réalisation Niko RADAS Production Filip GAŠPAROVIĆ MELIS (CROATIAN ASSOCIATION OF DIGITAL ARTISTS)
le Festival d’animation d'Annecy a affiché ses ambitions avec fierté, porté par Dominique Puthod et Mickaël Marin. L’ouverture prochaine de la Cité internationale du cinéma d’animation vise à faire rayonner la ville toute l’année. Mais derrière l'effervescence, l’industrie traverse une période critique : fermetures de studios, licenciements, raréfaction des contrats. Le Mifa devient alors une rampe de lancement pour jeunes talents, entre espoir et incertitude. Étudiants et professionnels s’y croisent, portfolio sous le bras et CV en ligne. Face à un avenir instable, chacun tente d’attraper l’attention d’un recruteur, d’un distributeur… ou d’un destin.
L’IA générative a électrisé les débats à Annecy, divisant une profession déjà fragilisée. Tandis que certains y voient un simple outil, d’autres dénoncent une machine à broyer les créateurs, exploitant sans consentement les œuvres humaines. Une déclaration signée par plus de 20 syndicats internationaux appelle à la régulation, à la rémunération équitable et au respect du droit d’auteur. Emmené par Lauri Sanders (ABRACA) et soutenu par Les Intervalles, le mouvement prend de l’ampleur. Sur scène comme dans les allées du Mifa, la méfiance l’emporte sur la fascination. Loin de la simple innovation, l’IA pose la question centrale : quelle place reste-t-il à l’artiste dans l’animation de demain ?