Le Mohican : Frédéric Farrucci réalise un western moderne dans le maquis Corse

14 février 2025
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Le dernier film de Frédéric Farrucci, Le Mohican, s'inspire d'une histoire réelle qui touche profondément le réalisateur. Ce long-métrage, qui a été sélectionné à la Mostra de Venise, transpose un fait de société au cœur d’un thriller aux accents de western dans les paysages Corses. À travers le personnage de Joseph, incarné par Alexis Manenti, Frédéric Farrucci aborde des thèmes de résistance, de territoire et de rébellion contre un système mafieux qui menace de détruire l'authenticité du littoral corse. Manuel Houssais l'a rencontré pour La Radio Du Cinéma.

L'inspiration : rencontre avec un berger corse

Le point de départ du film remonte à une rencontre que Frédéric Farrucci a eue avec un véritable berger du littoral sud de la Corse. En 2017, le réalisateur avait suivi cet homme dans un documentaire, où il racontait son quotidien difficile, contraint de faire face à la spéculation immobilière grandissante. L’élevage traditionnel en Corse, surtout sur le littoral, a été relégué à l'arrière-plan au profit du tourisme et de projets immobiliers. Ce berger, surnommé lui-même le "dernier des Mohicans", disait ne pas pouvoir transmettre son exploitation à ses enfants, de peur que la pression des promoteurs ne les pousse à vendre leur terrain.

Frédéric Farrucci a été profondément marqué par cette rencontre, qui a servi de base au film Le Mohican. L'idée de montrer un individu enraciné dans son territoire, confronté à une force extérieure implacable, l’a poussé à imaginer une histoire de résistance. L’histoire de Joseph est une métaphore du dernier combat d’un homme face à des forces économiques et mafieuses qui veulent effacer un mode de vie ancestral.

Une vision politique du cinéma

Pour Frédéric Farrucci, le cinéma est un moyen d’aborder des enjeux politiques. Il affirme que chaque film qu'il réalise doit être porté par un message, une réflexion sur la société. Il explique que, dans sa vie d'individu, il a besoin de raconter des histoires qui le bouleversent, qui l’interrogent. Dans le cas de ce film, c’est la question de l’exploitation économique du territoire corse et de la résistance face à cette violence. L’aspect politique du film est ancré dans une réalité qu’il a voulu transposer à travers la fiction.

Le western corse : un genre pour dénoncer

Le genre du western s’impose ici comme une forme de métaphore moderne. Le réalisateur explique que ce format a toujours fait écho à ses propres réflexions sur la Corse. Le film reprend les codes classiques du genre : la confrontation entre le "héros solitaire" et des forces extérieures menaçantes, la cavale dans un paysage majestueux et inhospitalier, les duels et les blessures soignées "à l'ancienne". Ces éléments sont revisités dans le cadre spécifique de la Corse contemporaine.

L’utilisation du Cinémascope, un format souvent associé aux grands westerns classiques, renforce l’aspect épique de cette lutte. En effet, comme dans les films de John Ford, le territoire devient un personnage à part entière, symbolisant à la fois l’isolement et la richesse du contexte. La question du territoire et du conflit de civilisation est au cœur de l’intrigue, et la légende du "dernier des Mohicans" se construit au fur et à mesure du film.

Le personnage de Joseph : l'archétype du héros moderne

Joseph, interprété par Alexis Manenti, est un berger taciturne, au caractère difficilement pénétrable. Le film suit son parcours de fuite et de résistance face à la mafia et aux forces de l'ordre. Le personnage, un héros de la vie quotidienne, incarne un type d'héroïsme moins spectaculaire, plus silencieux et plus intérieur. La sobriété du jeu d'Alexis Manenti donne toute la profondeur au personnage, dont les gestes et les choix se révèlent à travers son corps plus que ses paroles.

Le casting du film mélange également des comédiens amateurs, issus du milieu rural corse, pour rendre hommage à la réalité du territoire. Frédéric Farrucci explique que ces acteurs ont été choisis pour leur naturel, leur authenticité. Il souhaitait que les scènes, souvent en extérieur, respirent la vérité, sans artifice. Cette rencontre entre comédiens professionnels et amateurs permet de renforcer le réalisme et l’émotion brute du film.

La dimension mythologique : rébellion et réseaux sociaux

Le film prend une autre tournure avec l'introduction de la nièce de Joseph, Vannina, incarnée par Mara Taquin. Jeune femme dynamique et connectée, elle utilise les réseaux sociaux pour transformer son oncle en héros moderne. Ce personnage devient un symbole de résistance, amplifié par les hashtags et la médiatisation de son histoire. Le film interroge ainsi la manière dont les mythes contemporains se construisent et se propagent dans la société actuelle. Ce parallèle avec la rébellion politique et la représentation moderne du "héros populaire" est un aspect que Frédéric Farrucci développe avec subtilité.

La bande-son

Frédéric Farrucci a choisi de collaborer à nouveau avec le compositeur RONE , qui avait déjà travaillé sur son précédent film La Nuit venue. Cette fois, la musique se distingue par sa dimension organique et moins électronique, en harmonie avec l’atmosphère sauvage et rugueuse des paysages corses. RONE a su créer une ambiance à la fois intimiste et épique, qui accompagne parfaitement l’évolution de Joseph, ce berger devenu "Mohican", à travers son parcours héroïque et tragique.

Le Mohican est un film qui navigue entre réalisme social et fiction mythologique. Si le film s’appuie sur des éléments classiques du thriller et du western, il offre également une réflexion sur la résistance face à un monde de plus en plus dominé par l’argent et la spéculation. L’histoire de Joseph, ce dernier berger, incarne une lutte solitaire mais profondément symbolique. Le film de Frédéric Farrucci interroge la notion même de légende et de résistance à travers le prisme des réseaux sociaux et de la modernité. Le Mohican trouve sa force dans son ancrage dans la réalité sociale et dans la construction subtile de son héros.

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